Contexte
Au Québec, plus du tiers de l'énergie consommée sert à approvisionner les bâtiments résidentiels, commerciaux et institutionnels, et ce, principalement pour le chauffage. Bien que le chauffage résidentiel soit de plus en plus alimenté à l’électricité, le mazout et le gaz naturel représentent encore environ 15 % de l'énergie consommée. Du côté des institutions et des commerces, la part des combustibles fossiles correspond à plus de 40 % de l’approvisionnement énergétique. Par conséquent, le chauffage des bâtiments des secteurs résidentiel, commercial et institutionnel (excluant le secteur industriel) représente la troisième source de GES au Québec, avec 7,6 Mt éq. CO2 ou 9,5 % des émissions. Dans les grandes villes du Québec, ces secteurs sont responsables d'une part encore plus importante des GES produits. À l'échelle de l'agglomération de Montréal, 33 % des GES de la collectivité proviennent des secteurs résidentiel, commercial et institutionnel.
La rénovation et l’isolation des bâtiments apparaissent ainsi comme une avenue incontournable pour atteindre la cible ambitieuse de réduction des émissions de GES du Québec de 37,5 % sous le niveau de 1990 d'ici 2030. Une des pistes d’action les plus prometteuses constitue l'efficacité énergétique des bâtiments, qui permettrait de réduire à la source et d’optimiser la consommation énergétique. La priorité 20 du plan d’action 2013-2020 sur les changements climatiques du Québec était d’ailleurs de « favoriser les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique dans les bâtiments résidentiels, commerciaux et institutionnels ». Le document de consultation sur la Cible de réduction d’émissions de GES pour 2030 identifie également l’efficacité énergétique des bâtiments neufs et existants comme étant des perspectives importantes de réduction de GES.
Or, il est démontré que l'un des principaux obstacles à l'efficacité énergétique est le manque d'information des propriétaires sur l'isolation de leur bâtiment ainsi que sur les produits et services disponibles.
Parallèlement, les îlots de chaleurs sont un enjeu d’actualité à Laval et entraînent des conséquences tant environnementales et sociales qu’économiques. Depuis plusieurs années, le Conseil régional de l’environnement (CRE) de Laval s’efforce de combattre ce phénomène et à l’aide de plusieurs projets, notamment avec son étude sur les biotopes urbains et périurbains de la CMM et sa participation à la démarche Stationnement écoresponsable.
Dans le cadre du projet Thermographie, l’équipe s’attaque donc à deux enjeux importants; la lutte aux îlots de chaleur et l’efficacité énergétique des bâtiments.
Îlots de chaleur et de fraîcheur urbains à Laval
Source : INSPQ & CREFO via Données Québec, 2016
À propos de la thermographie aérienne
La thermographie aérienne est une technologie qui a fait ses preuves pour cartographier les pertes énergétiques des bâtiments. Elle s’effectue à l’aide d’avions munis de caméras infrarouges détectant les pertes de chaleur des toits des bâtiments des régions survolées à basse altitude. Environ 30 % des pertes de chaleur passent par la toiture des bâtiments, ce qui en fait la première source de déperdition et un excellent indicateur de la qualité générale de l’isolation d’un bâtiment. La thermographie aérienne a l’avantage de couvrir rapidement de vastes territoires.
Image aérienne montrant la déperdition de chaleur des bâtiments par leur toit.
Source : CRE de Laval & UQAM, 2020
La thermographie ailleurs
Plusieurs villes au Québec, comme Plessisville et Montréal ont déjà eu recours à la thermographie pour cartographier les pertes énergétiques des bâtiments sur leur territoire, tout comme d’autres grandes villes dans le monde telles que Calgary, Paris, Bordeaux et Bruxelles.
Notre projet
Objectif
Nous souhaitons participer à offrir des outils et de l'information pour inciter la population à s'investir dans l'amélioration de la performance énergétique des bâtiments.
L’objectif du projet est donc de dresser un portrait de la performance énergétique des bâtiments de l’ensemble de la zone urbanisée de la ville de Laval à partir de thermographie aérienne à haute résolution, permettant d’identifier les secteurs d’intervention prioritaires en matière d’efficacité énergétique.
Méthode
Les images ont été récoltées à l’aide d’une plateforme aérienne (avion, hélicoptère) et d’une caméra thermique. Les vols ont été effectués à l’automne dans des circonstances précises, notamment lorsque les températures descendent au-dessous de zéro, de nuit afin de réduire le plus possible les effets d’inertie thermique et idéalement au moins 48h après les dernières précipitations. Les images obtenues furent ensuite traitées dans un logiciel de photogrammétrie, PIX4D Mapper, pour créer des orthomosaïques thermiques qui ont ensuite été superposées à la cartographie de l’emprise au sol des bâtiments afin de caractériser thermiquement chacun des bâtiments et ainsi connaître les portions présentant une perte en énergie. Pour plus de détails techniques, vous pourrez consulter sous peu le rapport de Ian Gagnon.
Équipe et organisation
Le projet est chapeauté par le Conseil régional de l’environnement de Laval (CRE de Laval) en partenariat avec le département de géographie de l’Université du Québec à Montréal (UQAM).
Élèves et auteurs des rapports: Jade Beaulieu et Ian Gagnon Renaud
Le CRE est très reconnaissant d’avoir bénéficié d’un support financier du ministère des Affaires municipales et de l’Habitation du Québec, ainsi que de la collaboration et de l’appui constant de la Ville de Laval.
Lexique
Déperdition thermique
Le Larousse définit ce phénomène comme une « perte, diminution de matière, d'énergie » et « perte de chaleur d'un local ou d'un bâtiment vers l'extérieur ou d'un local vers des locaux non chauffés » (Larousse, 2019).
Efficacité énergétique
Il est question d’efficacité énergétique lorsqu’une même quantité d’énergie rapporte une plus grande production de biens et de services, ou inversement, lorsque moins d’énergie est utilisée pour produire ces mêmes biens et services. Une consommation responsable de l’énergie permet non seulement d’obtenir un rendement énergétique supérieur, mais également de réduire les émissions de GES et minimiser les effets irréversibles des changements climatiques (Abu Bakar et al., 2015 ; Patterson, 1996).
Thermographie infrarouge
« La thermographie permet de déterminer, à distance et sans contact, la température d'un objet » (Henriot et Molines, 2017). Le scanneur infrarouge rend visible le transfert de chaleur, c’est-à-dire le rayonnement ou le flux radiatif, de la surface dans le spectre de l’infrarouge (Lefebvre, 2008).
Exemple d’une image thermique: station d’épuration des eaux de Fabreville.
Inertie thermique
« Capacité d'un matériau ou d'une matière à absorber de l'énergie calorifique, à l'emmagasiner et à la restituer. L'inertie thermique atténue ou retarde les effets de la variation de la température extérieure sur la température intérieure d'un bâtiment » (Office québécois de la langue française, 2021).
Orthomosaïque
Une orthophotographie ou orthoimage « est une représentation photographique détaillée et précise d'une zone, créée à partir de nombreuses photos qui ont été assemblées et corrigées géométriquement afin qu'elle soit aussi précise qu'une carte » (Dukowitz, 2017. Traduction libre).
Déroulement du projet
Le projet a démarré le 1er août 2018. Durant la phase de planification, l’équipe a élaboré la base de données et a réalisé le traitement d’images satellites, ainsi qu’une revue de littérature. Une série de vols-tests ont également été effectués par la compagnie d’aviation responsable de faire l’acquisition des images aériennes thermiques.
Les premiers vols étaient prévus pour l’automne 2018. Or, étant donné les épisodes de pluie s'étant succédés les uns après les autres ainsi que l'arrivée hâtive de la neige, il a été impossible de faire l’acquisition de données viables.
En conséquence, l’équipe n’a pas procédé au traitement des données, mais a saisi ce laps de temps pour perfectionner la méthode d'analyse des données, entre autres avec plusieurs autres tests exécutés du printemps à l’automne 2019.
La première vague de vols a été accomplie entre le 9 novembre et le 6 décembre 2019. Les données aéroportées captées ont été traitées durant les mois suivants. Ces dernières font l’objet de deux rapports de recherche, l’un intitulé Projet thermographie – La déperdition thermique des toits de Laval, par Jade Beaulieu, et l’autre nommé Projet Thermographie – Méthode de prise de données par relevé thermique aérien, par Ian Gagnon-Renaud.
La figure suivante illustre le territoire couvert à ce moment, qui représente 87 km2.
Constats découlant de ce rapport
Les bâtiments liés au secteur commercial et à celui des services ont tendance à perdre plus de chaleur que les toitures des autres types de vocations.
Ces mêmes bâtiments présentent nettement plus d’écarts de température, des points chauds ou froids, ce qui crée une variation thermique importante.
Les bâtiments construits entre 1961 et 1990 conservent mieux l’énergie au niveau du toit que ceux édifiés plus récemment entre 1991 et 2010.
Particulièrement, entre 2001 et 2005, mais également jusqu’à 2010, les bâtiments de cette décennie présentent les plus grandes variations de température sur leur toit.
Près de la moitié (43%) des édifices construits avant 1960 est classée en forte déperdition thermique.
En novembre et décembre 2020, le sud de Laval a été couvert par hélicoptère. Ceci représente 21km2 de plus.
L’utilisation du drone aurait pu s’avérer intéressante comme solution, mais celle-ci a été écartée considérant la dimension du territoire à couvrir et la logistique s’y rattachant.
Territoire couvert par les vols héliportés.
Extraits d’images thermiques de qualité satisfaisante.
Résultats
L’équipe a conclu que les données analysées, issues de secteurs distincts de Laval, sont très comparables. C’est-à-dire que les 5 constats énumérés plus haut, ainsi que ceux discutés dans le rapport de Mme Beaulieu, s’appliquent autant au secteur survolé en 2019 qu’à celui survolé en 2020. Ceci nous permet d’estimer que cet échantillon (56%) est représentatif du reste du territoire de l’île Jésus.
Nous tenons à souligner l’excellente collaboration de la Ville de Laval (M. Patrick Saumure, M. Hung Nguyen et François Paquette).
Le projet de Thermographie en chiffres
Kilomètres carrés survolés : 98 sur les 175 de l’île Jésus.
Nombre de vols exclusivement pour la captation de données : 9.
Nombres d’images captées : 38 304 (première vague de vols seulement).
Bourses de recherche : 2 étudiants de deuxième cycle pour 2 1/2 ans à temps plein et 1 étudiant de premier cycle pour 1 an à temps partiel.
Comment agir?
Particuliers
- Faire faire une analyse thermographique de son bâtiment par une entreprise spécialisée. Il en existe plusieurs au Québec. Les images doivent être obtenues et interprétées par des spécialistes détenant une certification de l’American Society for Nondestructive Testing (ASNT).
- Entretenir son bâtiment pour prolonger la durée de vie de ses composantes.
- Rénover intelligemment son bâtiment. Il existe des incitatifs financiers pour vous appuyer dans votre rénovation écologique.
- À plus petite échelle, faites une gestion intelligente de l’utilisation de l’énergie, par exemple en consommant moins et mieux. L’hiver, pensez à baisser le chauffage de quelques degrés dans les pièces non utilisées, dotez-vous de thermostats réglables, etc.
Entreprises
- Rénover intelligemment son bâtiment.
- Gérer la consommation d’énergie (comme l’a fait l’Université du Québec à Montréal)
- Obtenir sa certification Novoclimat auprès du Bureau de normalisation du Québec (pour entreprises et spécialistes en ventilation).
- Faire analyser gratuitement l’efficacité énergétique de votre construction neuve par Novoclimat (pour entreprises).
Réglementation et accompagnement
- Mettre en place des exigences de performance énergétique à toute rénovation et nouvelle construction.
- Encourager la rénovation et le remplacement des matériaux et systèmes énergétiques via des programmes de financements accessibles, récurrents et faciles d’utilisation.
Programmes et financement
Résidentiel:
- Chauffez vert
- Éconologis
- Novoclimat Maison
- Novoclimat Petits bâtiments multilogements
- RénoClimat
- La Société canadienne d'hypothèques et de logement (SCHL) offre une remise de 15 % sur la prime d'assurance à l’achat d’une habitation Novoclimat
- Thermopompes efficaces (programme pris en charge par Hydro-Québec depuis février 2021)
Bâtiments commerciaux, institutionnels, industriels et immeubles multilogement de 4 étages et plus:
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